Depuis toujours et par nécessité évidente, l’Homme a cherché à s’affranchir des contraintes imposées par l’obscurité. Après la découverte du feu, il a utilisé pour s’éclairer les flammes dues à la combustion de produits de toutes sortes : bois dans les foyers, graisse animale et paille puis poix autour des torches, huiles animales et végétales dans les lampes à huile, suif des chandelles, cire d’abeille des cierges, stéarine des bougies, gaz de houille avec les becs à gaz, huile éclairante de pétrole avec les lampes à pétrole, acétylène dans les lampes à carbure…
Il a longtemps été tributaire des ressources locales. La nature des combustibles a aussi évolué avec les progrès techniques notamment au cours des deux derniers siècles.
Après les travaux du chimiste Michel Eugène CHEVREUL publiés en 1823 sur les acides gras et la séparation dans les graisses animales des acides stéarique et oléique, le suif est remplacé par la stéarine qui se consume mieux et produit plus de lumière et moins de fumées et odeurs incommodantes.
À la même époque, la production industrielle de gaz par distillation de la houille dans une enceinte close, proposée par l’écossais William MURDOCK, permet le développement de l’éclairage au gaz. Après Londres, le premier éclairage public apparaît à Paris, place du Carrousel puis rue de Rivoli, en Janvier 1819.
Les hommes ont fait preuve de beaucoup d’imagination pour améliorer les appareils d’éclairage. La lampe à huile en particulier a évolué au cours des millénaires de la simple pierre évidée de l’homme préhistorique aux instruments très sophistiqués des derniers siècles (Figures 1 et 2). De la fin du XVIIIe au milieu du XIXe siècle, les modèles se sont succédé au gré des améliorations techniques et inventions astucieuses mises au point par d’ingénieux lampistes et qui concernaient surtout l’alimentation en huile et air et la mèche. Des exemplaires de lampes ARGAND, QUINQUET-LANGE, PROUST, sinombre PHILIPS, « Astrale », CARCEL, à modérateur peuvent être étudiés et admirés dans de nombreux musées ou chez des collectionneurs privés.
Vers 1860, après la découverte aux USA d’importants gisements de pétrole, l’huile lampante – également dénommée pétrole lampant ou kérosène – qui est un distillat de pétrole de très faible viscosité, remplace tous les autres types d’huiles. Ce produit est très apprécié par les fabricants puisqu’il monte de lui-même par capillarité dans les mèches avec comme conséquence la simplification des lampes qui ne sont plus constituées que par un réservoir, une mèche, un bec et une cheminée de verre.
Les lampes à pétrole et même à huile résisteront en France, comme seule source d’éclairage dans de nombreux foyers isolés ou petites communes des campagnes, jusqu’à la fin des années 40 et la généralisation des implantations électriques qui couvriront la plus grande partie du territoire. Elles n’ont pratiquement plus aujourd’hui qu’un rôle décoratif bien qu’elles soient susceptibles de reprendre « du service » en cas de pannes d’électricité (Figure 3).
La préparation du gaz acétylène, connu depuis 1836, s’opère en décomposant par l’eau, à froid, le carbure de calcium ou « carbure ». La mise au point du procédé de fabrication du carbure dans un four à arc électrique, en 1892, par le chimiste français Henri MOISSAN, a permis, au début du XXe siècle, la diffusion de l’éclairage à l’acétylène qui offre, à cette époque, un très grand espoir d’amélioration technique.
Les fabricants vont donc développer de nombreux modèles de lampes à carbure dans lesquelles le gaz inflammable obtenu en faisant couler régulièrement l’eau sur le carbure s’échappe vers l’extérieur par une buse terminée par un brûleur (Figure 4).
Simple d’utilisation et peu onéreux, l’acétylène remplaça petit à petit, pour de nombreuses applications, le gaz de houille, l’huile et le pétrole. On trouvait alors les lampes à acétylène dans les transports, carrières souterraines, mines non grisouteuses, champignonnières, sur les chantiers… Bien que rapidement concurrencé par l’électricité, l’acétylène perdura jusqu’au début de la deuxième moitié du XXe siècle. Il est encore utilisé en spéléologie.
La combustion est une réaction d’oxydo-réduction exothermique ou encore l’oxydation d’un combustible par un comburant avec production de chaleur. Elle est déclenchée par une énergie d’activation, de la chaleur en général, produite par exemple par une flamme ou une étincelle. La production de chaleur permet donc à cette réaction chimique de s’auto-entretenir dans la plupart des cas, voire de s’amplifier en une réaction en chaîne.
La combustion ne peut se produire que si les trois éléments, combustible, comburant et énergie d’activation sont réunis, association que l’on représente par le triangle du feu (Figure 5). À l’inverse, la combustion cesse dès qu’un élément du triangle est enlevé. La lutte contre l’incendie consiste donc à priver le feu de l’un d’entre eux.
Tous les combustibles cités précédemment sont des produits organiques c’est-à-dire des composés dont les molécules sont constituées d’atomes de carbone (symbole C), d’hydrogène (H) pour la plupart et, moins fréquemment, d’oxygène (O), d’azote (N)… Bien évidemment, le comburant n’est autre que l’air ou plus précisément, l’un de ses constituants principaux, le dioxygène, la forme la plus répandue dans l’atmosphère sous laquelle on trouve l’élément oxygène et dont chaque molécule qui rassemble deux atomes a pour formule O2. Au cours de la combustion, les molécules plus ou moins complexes des réactifs – que l’on appellera également ici réactants – sont décomposées en molécules plus petites et plus stables via un réarrangement des liaisons entre les atomes. Le déroulement de la réaction à l’échelle atomique est très compliqué mais il est possible de représenter le processus chimique sous la forme d’une réaction globale unique.
Lors d’une combustion complète, la réaction se poursuit jusqu’à la formation de produits qui ne pourront plus être oxydés et ne pourront donc plus réagir avec le comburant.
Si l’on prend l’exemple du gaz acétylène dont chaque molécule est constituée de deux atomes de carbone et deux atomes d’hydrogène – c’est un carbure d’hydrogène de formule chimique C2H2 – le carbone et l’hydrogène s’unissent à l’oxygène pour donner du gaz carbonique ou dioxyde de carbone de formule moléculaire CO2 et de l’eau, H2O, produits plus stables que l’acétylène et le dioxygène. Cette combustion peut donc être écrite sous la forme :
acétylène + dioxygène —> dioxyde de carbone + eau + chaleur.
La destruction d’une molécule d’acétylène doit fournir deux molécules de CO2 et une molécule H2O, ce qui nécessite cinq atomes d’oxygène ou plus précisément deux molécules et demi du gaz dioxygène O2. D’où, l’équation-bilan qui représente la combustion complète :
C2H2 + 5/2 O2 —> 2 CO2 + H2O + Q, qu’il est préférable d’écrire :
2 C2H2 + 5 O2 —> 4 CO2 + 2 H2O + 2 Q,
Q représentant la chaleur libérée. Les atomes ne sont plus dans la même molécule avant et après la réaction mais le bilan atomique est équilibré conformément au principe de conservation de la matière. On voit enfin, qu’il faut 5 molécules de dioxygène pour 2 molécules d’acétylène ou encore à l’échelle macroscopique, 5 volumes d’oxygène pour 2 volumes de gaz combustible, puisque des nombres égaux de molécules occupent sensiblement des volumes égaux dans les mêmes conditions de température et de pression.
L’acétylène brûle avec flamme. Notons qu’il en est de même avec les autres combustibles gazeux tels que le gaz de houille, le gaz propane… mais aussi les liquides combustibles comme les huiles animales et végétales, le pétrole lampant… parce que la chaleur produite vaporise le liquide. Il peut également y avoir une flamme avec un solide si l’élévation de température est suffisante pour que le corps qui brûle se vaporise.
Une flamme est constituée par une masse gazeuse très chaude dans laquelle ont lieu les réactions d’oxydo-réduction et qui émet une lumière plus ou moins vive. Sa structure dépend du dispositif utilisé et des conditions locales.
On distingue principalement deux types de flammes :
Si on prépare un mélange d’acétylène et de dioxygène suivant les proportions de l’équation-bilan précédente, il détone très violemment au contact d’une flamme ou d’une étincelle. La combustion, explosive, rend dans ces conditions l’acétylène très dangereux. D’où son surnom de « tigre des gaz ».
Cependant, en amenant régulièrement le mélange à l’orifice d’un chalumeau, on peut l’enflammer et obtenir une combustion complète sans explosion.
En réalité, le mélange créé au niveau de l’injecteur du chalumeau oxyacétylénique est à volumes égaux d’oxygène et d’acétylène, le complément étant demandé à l’air environnant.
À l’intérieur de la flamme qui se forme à la sortie du bec (Figure 6), on distingue très nettement le dard, de forme conique, de petites dimensions – de hauteur voisine de 1cm pour une longueur totale de la flamme de 10cm – et qui est la surface sur laquelle se produit le début de la combustion du mélange introduit. Il s’agit d’une déflagration due au front de flamme qui se déplace à vitesse constante – de l’ordre de la centaine de mètres par seconde – par rapport au flux des gaz frais du prémélange et dans la direction opposée. La stabilité du dard est donc due à l’équilibre atteint lorsque les vitesses de propagation du front de flamme et de sortie des gaz sont opposées, c’est-à-dire égales en valeur absolue mais de sens contraires.
Les gaz produits, portés à très haute température, se déplacent dans le sens du flux gazeux injecté. Il en résulte que la température peut atteindre 3100°C au voisinage du dard et que dans ces conditions, la réaction ne donne pratiquement pas de dioxyde de carbone ni de vapeur d’eau qui se décomposent à température très élevée. Le mélange produit dans cette zone par la réaction incomplète, dite combustion primaire, est très réducteur car constitué essentiellement de monoxyde de carbone (CO) et de dihydrogène (H2) qui s’oxydent très facilement. C’est la partie active de la flamme qui permet, par exemple, la soudure autogène des métaux oxydables car sa nature chimique réductrice permet d’empêcher l’oxydation du métal chauffé et même de désoxyder celui-ci en sa surface.
Au-delà, c’est le panache, moins lumineux que la zone active et où l’oxygène de l’air fait l’appoint jusqu’à la combustion complète des gaz résultant de la combustion primaire. Avec l’arrivée de l’air ambiant, la température des gaz décroît au fur et à mesure que l’on s’éloigne du dard malgré la chaleur produite par les combustions secondaires, les plus importantes étant celles du monoxyde de carbone et du dihydrogène qui brûlent en donnant du dioxyde de carbone et de la vapeur d’eau.
La flamme oxyacétylénique est bleue et peu éclairante. Les gaz de la zone active et du panache sont rendus visibles en raison de leur température élevée. L’émission de lumière a pour origine ici la chimiluminescence : les électrons excités de certains atomes, groupements d’atomes ou molécules – CH, C2, CO2… – descendent à un niveau énergétique inférieur, ce qui se traduit par l’émission d’un photon, d’énergie égale à la différence d’énergie entre les niveaux supérieur et inférieur. La couleur bleue est due principalement à la molécule de dioxyde de carbone CO2.
Lorsque l’oxygène n’est pas assez abondant, la combustion est incomplète c’est-à-dire que certains atomes de carbone présents dans les molécules de l’hydrocarbure ne trouvent pas d’atome d’oxygène pour réagir et donner du dioxyde de carbone. Ce carbone non brûlé apparaît alors sous la forme de très fines particules solides qui, sous l’effet des températures élevées, deviennent incandescentes, colorent la flamme en jaune-orangé et la rendent ainsi très éclairante.
C’est ce qui se passe avec la lampe à acétylène qui disperse l’acétylène enflammé de manière à obtenir une flamme fine et large.